15th Annual George Sand Conference

15th Annual George Sand Conference

December 5, 2002

Compte rendu du colloque ‘George Sand et les Empires
Littéraires’ La Nouvelle Orléans, du 5 au 8
décembre 2002, Etats-Unis.

Quelques semaines avant le bicentenaire de la vente de la Louisiane aux Etats-
Unis en 1803 par Napoléon Bonaparte, le colloque international
‘George Sand et les Empires Littéraires’, réunit un
nombre important de chercheurs français, italien, japonais, irlandais
et américains près du Vieux Carré. Harmonieusement
organisé par Anne McCall de l’université de Tulane, qui
fut discrètement très attentive à tout, ce colloque
brilla par la haute tenue des interventions classées sous
différentes rubriques impériales: celle des pays
étrangers, celle de l’esprit, puis les mouvements de
résistance contre leur oppression par certaines grandes figures du
temps et dans les romans sandiens. Trois séances
plénières sont à souligner.

Nicole Mozet (Paris VII) observa le premier rang occupé par George Sand
dans l’Empire des Lettres au XIXe siècle et une disparution
posthume au XXe. A l’audace du premier pas et la notoriété
de Sand dans la prose, Nicole Mozet souligne l’obstination de
l’écrivain et son oeuvre abondante dont le nombre de volumes est
comparable à celui de La Comédie humaine. Par la diffusion de
son oeuvre complète, Sand essaya bien de la faire lire à un
public peu fortuné mais l’abondance de ses récits lui
aurait nui ainsi que son appellation d’écrivain
régionaliste.

C’est au Centre de Recherches sur les Femmes, à
l’université de Tulane, que Janet Beizer (Harvard) nous
développa en anglais, sous le titre de ‘George Sand and the
Empire of Family’, la thèse des romans champêtres, symboles
de la lutte politique après la répression de la
révolution de 1848. La chanson du laboureur met en scène la
nature, les saisons. Pour Sand, l’oeuvre du paysan est supérieure
à celle de l’artiste. La petite Fadette magicienne
révolutionnaire, le mariage de François le Champi avec sa
tutrice , l’atmosphère troublante de la Mare au Diable, tout cela
souligne les malaises du moment et l’ambiguïté des relations
familiales autant que politiques. Les pastorales sont un art d’une
critique très fine en temps de révolution, le chanvreur est
aussi un chanteur qu’il nous faut écouter. Sa mélodie est
une Marseillaise déguisée.

L’excursion à la plantation Laura nous fut préparée
par Doris Kadish (Université de Georgia à Athens) dans la
troisième séance plènière. A l’aide de
diapositives, nous prîmes connaissance de la famille Lacoul et du
rôle de ses femmes fortes, âpres au gain et esclavagistes, du
conflit créole et anglophone après la vente de la Louisiane et
durant la guerre de Sécession. Notons que le mot
‘créole’ se réfère aux
générations françaises nées en Louisiane et non
pas au métissage. L’épopée de cette famille
intéressa si fort que certains d’entre nous voulurent
après le colloque, en savoir plus sur ce conflit de langue , de race,
et mode de vie de maîtres et esclaves en s’inscrivant à une
excursion de plus de deux heures concernant la maison créole
d’hiver, au coeur même du Vieux Carré. Visite
recommandée.

Le corpus des sessions était réparti en différentes
rubriques. Celle des ‘Territoires étrangers: fantaisies et
réalités’ présidée par Raymonde Bulger, nous
permit d’entendre Pratima Prasad, Simone Balazard, Thelma Jurgrau et
Bernard Hamon qui nous firent voyager dans l’île Bourbon chez
Indiana, en Algérie avec Maurice, dans le Mississippi avec le
théâtre de George Sand et en Autriche durant la guerre de 1866.
Dans la catégorie ‘Des Empires et de
l’Indépendance’ présidée par David Powell,
Catherine Mariette-Clôt, Gilbert Chaitin, Caroline Jumel, Philippe
Régnier, nous emmenèrent dans l’empire de la
volonté, de la politique du roman à thèse, et
parlèrent du malaise sociopolitique et des pratiques sandiennes de
l’indépendance, de Pierre Leroux au Prince Napoléon.
‘Les Représentations de Résistance’
présidée par Martine Reid, furent étudiées par
Catherine Masson, Jacinta Wright, Annabelle Rea et Michèle Hecquet,
avec le paupérisme à la scène, le bandit
révolutionnaire, l’adoption, motif contre le règne de la
famille bourgeoise, et la figure de Jappeloup dans Le péché de
Monsieur Antoine.

Le vendredi, la session des ‘Femmes Impériales’
était parallèle à celle sur les ‘Impératifs
des genres’, session présidée par Lauren Fortner dans
laquelle Nathalie Buchet Rogers, Nigel Harkness, Aimée Boutin, Damien
Zanone intéressèrent l’audience en parlant de Valentine,
des hommes et de leur parole d’honneur, de La Reine Mab et de
Corambé et l’empire sans limite du roman. Susan McCready
présidait l’autre session. Florence Vatan, Shawn Morrison, Laura
Colombo, Lucy Schwartz y parlèrent de George Sand et Louise Colet, de
La ville noire et de son espace féministe sous Napoléon III, de
la politique des femmes sous le Second Empire et d’une prose anti-
napoléonienne avec Quintilia Cavalcanti. Présidée par
Annabelle Rea, la session des ‘Empires critiques’ souligna
l’empire de la poésie ouvrière étudié par
Christine Planté, nous donna un converti sandien avec John T. Booker et
sa critique de l’empire d’Indiana. Martine Reid et Shira Malkin
nous parlèrent d’une réalité perdue: le folklore de
La petite Fadette et de la dette envers Sand en ce qui concerne
l’impérialisme du théâtre. ‘Transmissions,
traductions et transferts’, présidée par Maryline
Lukacher, nous fit entendre Isabelle Naginski dans ‘Lélia,
filiations invisibles’. Puis Françoise Massardier-Kenney et
Gretchen VanSlyke nous révélèrent la difficulté de
conserver la simplicité de la prose sandienne dans les traductions en
anglais. ‘Vues d’ensemble’ fut présidée par
Isabelle Naginski. Des diapositives présentées par Nicole Savy
nous préparèrent à la prochaine exposition Sand au
Musée de la Vie Romantique à Paris de juillet à octobre
2004. Catherine Nesci nous fit entrer dans la littérature panoramique
du Diable à Paris , en soulignant le regard éthique et
l’écriture du droit chez Sand.

Le samedi, une deuxième session sur les ‘Représentations
de résistance’ présidée par Jenny Sheppard, donna
la parole à Martine Watrelot sur le campagnonnage, à Julia
DiLiberti sur le voyage dans le crystal, Haruko Nishio dans la
représentation du masque dans le monde romanesque de Sand et Ruth
Capasso sur La Coupe, monde à part. Les deux sessions finales sur
‘Dominion Domination’ et Désirs régnants’
présidees par Nancy Rogers et Mary Anne Garnett, furent à
nouveau parallèles. Dans la première, David Powell nous parla de
l’Uscoque avec projection de peintures, Rosemary Lloyd des Maîtres
sonneurs et de la réponse de Sand à l’Empire tandis que
Maryline Lukacher analysa l’empire des sens dans Leone Leoni et Mary
Rice-Defosse l’empire des maîtres et esclaves dans Monsieur
Sylvestre. Alexandra Wettlaufer, Hollie Harder, Mary Jane Cowles et Anne-Marie
Baron présentèrent la place du fils dans Elle et lui,
l’économie du désir dans François le Champi et la
domination du biographique dans les films consacrés à Sand.

La convivialité fut grande pendant les petits déjeuners et les
pauses café, l’élégant et délicieux buffet
de hors-d’oeuvre de l’université de Tulane après la
séance plènière de Janet Beizer et le banquet du samedi
soir. Bien des participants avaient été reçus à
leur arrivée à une reception de pré-ouverture du colloque
le mercredi soir chez nos hôtes Anne McCall et Alain Saint-Saëns.
La plupart eurent aussi l’occasion de flâner dans le Vieux
Carré, tout près de notre hôtel, d’écouter du
jazz dans l’authentique Preservation Hall où les amateurs se
tiennent debout ou assis au ras du sol aux pieds des musiciens de la vieille
école. La Nouvelle Orléans est le berceau du jazz.
L’enthousiasme pour le café-restaurant chez Maman
(Mother’s) à deux pas de l’hôtel, ne connaîtra
jamais plus de bornes. Les Français furent ravis de cotôyer
toutes les catégories d’Américains dans ce petit bistro
d’une simplicité extrême, aux petits déjeuners
copieux pendant lesquels on lit son journal ou bavarde au sujet du dernier
match de foot, aux repas new-orléanais d’écrevisses
à l’étouffée, de crabes ou de poisson-chats. Les
participants d’outre-mer goûtèrent
l’atmosphère à la bonne franquette de cette ville qui fut
française il y a plus de deux cents ans et conserve encore un charme
exotique contagieux au rythme syncopé de jazz et à la fois une
ambiguïté paradoxale de division et d’harmonie de race, de
quartier, de langue, de dominance et de liberté, vu l’aspect un
peu canaille et très cosmopolite de la rue Bourbon.

Cordialement dans l’esprit sandien avec nos remerciements pour le
prodigieux travail d’Anne McCall, notre si aimable hôtesse. Je
vous bige, comme disait George Sand.

Raymonde A.Bulger.

Nous tenons à remercier Michèle Hecquet, la responsable de la
revue des Amis de George Sand, de nous avoir permis de reproduire ce compte
rendu qui a paru dans le numéro de 2003 (nouvelle série
n. 25)

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